Graver : « tracer en creux sur une matière dure, au moyen d’un instrument pointu, dans le but de reproduire ». Au figuré : rendre durable, dans l’esprit, le cœur.
« Écrire un petit texte sur la gravure, pour fixer une pensée, une opinion, pour donner un peu de sens à ce qu’on fait. Ce serait comme si on traçait une pensée, comme si on réalisait un petit travail en creux, afin d’essayer de rendre durable quelques instants de vie. Je me suis demandée ce que je pouvais bien dire au sujet de la gravure, que je ne pourrais pas déjà dire à propos des actes de dessiner, peindre, coudre, coller, assembler, sculpter… faire la cuisine, faire du bricolage en fait. Bien sûr que ce ne sont pas les mêmes actions, que tous ces actes sont différents et peuvent être complémentaires. Néanmoins, tout cela, en ce qui me concerne, obéit au même élan finalement : plus que de créer, ce dont je ne sais pas encore bien ce que c’est, il s’agit de faire, de construire, de fabriquer et de composer. C’est à la fois une manière de dire, d’habiter l’instant présent, de s’inventer un territoire, de laisser une trace de ce qui file, de répondre à des inquiétudes peut-être, de se réfugier dans ce qui fait du bien et de communiquer. Peut-être s’agit-il d’être tout simplement, de s’enraciner un peu et de se donner la possibilité de s’inventer… Toutefois, graver à l’Atelier de la Main Gauche, c’est d’abord sortir de chez soi, rentrer dans un vrai atelier collectif, avec tout ce que cela comporte comme expériences d’échanges autour d’un travail manuel : faire certains gestes, se servir d’outils spécifiques, utiliser des presses, sentir les odeurs de l’encre, de la sueur parfois, des gâteaux régulièrement et se salir les mains. C’est aussi l’occasion de rencontrer d’autres graveurs, apprendre des techniques et des points de vue différents, regarder, échanger, penser autrement, voir l’envers et l’endroit et envisager différentes possibilités d’expression à partir d’une même base qu’est la plaque gravée. La gravure, à la différence de beaucoup d’autres techniques manuelles, donne la possibilité de la reproduction. Longtemps, j’ai rechigné à envisager le multiple car j’avais l’impression que réaliser une image à plusieurs exemplaires lui ferait perdre un peu de son âme, de son « aura » (cf Walter Benjamin). Mais la gravure nous apprend heureusement autre chose : la reproduction, lorsqu’elle est associée à la variation, prend une teinte bien plus attrayante. Et s’il faut apprendre la patience qu’induisent toutes les contraintes techniques et les répétitions de certains gestes, la gravure nous apprend aussi à apprivoiser le temps long, car peu de choses sont immédiates dans la gravure. On apprend aussi à accepter que le recommencement soit un chemin valable. On s’exerce à la répétition qui, loin d’être toujours fastidieuse, est aussi la possibilité de partager avec un plus grand nombre et la capacité de déclinaisons aventureuses ».
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